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"Protéger les riches" : le plan B de Copenhague PDF Print E-mail
Mouvements - Oscar Reyes | Friday, 11 December 2009
La fuite du texte de la déclaration politique qui pourrait conclure la conférence de Copenhague révèle des arrangements en coulisses entre pays industrialisés qui n’offrent pas grand-chose au reste du Monde.

Les rumeurs se sont donc confirmées. Déjà la semaine passée, l’information selon laquelle le gouvernement danois aurait déjà formulé une « déclaration politique » qui pourrait représenter le principal résultat de la Conférence sur les changements climatiques, maintenant qu’un accord international complet n’est plus à l’ordre du jour, était un secret de polichinelle. Le texte préliminaire a fuité, provoquant l’ire des délégués du Sud et des organisations de la société civile.
 
Le projet intitulé « Accord de Copenhague sous l’égide de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) » introduirait des objectifs d’émissions en pourcentages pour tous à l’exception des Pays les moins avancés, sabotant ainsi complètement le Protocole de Kyoto, qui fait une distinction entre les états industrialisés dits Annexe 1 et le reste du Monde. Le texte suggère également que les mesures de support financier et technologique aux pays ne faisant pas partie de l’Annexe 1, l’un des principes de base de la CCNUCC, soit maintenant assujetties à leur capacité de respecter les exigences complexes de contrôle des émissions.
 
La CCNUCC a rapidement essayé de limiter les dégâts en publiant une déclaration du Secrétaire exécutif Yvo de Boer indiquant que le projet de texte était « une prise de décision avancées par le Premier ministre danois », tout en maintenant qu’il ne s’agissait pas d’un « texte formel » du processus de négociation des Nations Unies.
 
Mais le texte qui a filtré a provoqué des réactions de colère chez plusieurs délégués du Sud. Lumumba Di Aping, président soudanais du G77 plus la Chine, regroupant 132 pays en voie de développement, a déclaré que le Premier ministre danois Lars Lokke Rasmussen avait failli à son rôle d’hôte neutre et au contraire « choisi de protéger les pays riches ». L’émergence du projet de texte a également été accueillie par une marche de protestation de membres de l’Alliance panafricaine pour une justice climatique à travers le Bella Centre, scandant « Deux degrés est un suicide, Une seule Afrique, un seul degré ».

Déficit démocratique

Ce n’est pas simplement le contenu du texte qui préoccupe, mais aussi la façon sournoise et biaisée dont il est apparu. La présidence de la COP, aux mains du pays d’accueil le Danemark, a pour mandat de fabriquer des compromis basés sur des projets de textes péniblement négociés. Dans ce cas, la présidence est accusée non seulement d’outrepasser ses fonctions, mais également de sauter par-dessus à pieds joints, rendant caduques des décisions des Nations Unies par des propositions partiellement empruntées à un texte discuté au Forum des principaux acteurs économiques, une initiative présidée par le Président des Etats-Unis Barack Obama ayant des liens étroits avec le G20.
 
Ainsi que Meena Raman, secrétaire honoraire des Amis de la terre Malaisie l’explique : « L’accord de Copenhague qui a filtré viole les principes démocratiques des Nations Unies et représente une menace pour les négociations de Copenhague. En discutant leur texte lors de réunions de coulisses secrètes avec quelques pays privilégiés, les Danois font le contraire de ce que le monde attend d’un pays hôte. Le gouvernement danois doit arrêter de conspirer avec d’autres nations riches. Il doit, au contraire, prendre comme point de départ la position des pays du Monde majoritaire – qui sont les moins responsables des changements climatiques, mais en sont les principales victimes. »
 
Raman Mehta, d’Action aide Inde, a dénoncé la « trahison de leur confiance » par le gouvernement danois.
 
Encore du vent sur les réductions [1]

Le texte préliminaire est faible et vague en ce qui concerne ses ambitions. En réitérant le but de maintenir le réchauffement global à pas plus de 2° C au-dessus des niveaux pré-industriels, le texte fixe des objectifs de réduction globale de 50% d’ici à 2050, dont 80% devraient venir du monde industrialisé. Ces chiffres paraissent toutefois vraiment peu impressionnants lorsqu’ils sont mis en équation avec les émissions per capita existantes ; l’une des estimations avancées suggère qu’ils permettraient aux pays industrialisés du Nord de continuer à polluer plus que le Monde majoritaire par un facteur de 3:5.
 
Les propositions pour le court terme sont visiblement plus ambitieuses, avec une suggestion que les émissions totales devraient atteindre leur sommet d’ici à 2020. Mais le même passage du texte est trompeur lorsqu’il affirme que ce sommet a déjà été atteint « par les pays développés pris collectivement ». Ceci est basé sur les derniers chiffres de la CCNUCC qui montrent que les pays de l’Annexe 1 sont sur le point de respecter leurs engagements du Protocole de Kyoto, mais si l’on y regarde de plus près, ce résultat est atteint en tenant compte de taux d’émissions peu fiables résultant de l’effondrement de l’économie de l’ancien bloc soviétique au début des années 90. Les émissions partout ailleurs dans le monde développé ont continué à augmenter. Les projections pour 2020 sont en outre bidouillées en prenant en compte d’un gros volume d’économies d’émissions » à partir de crédits carbone faits au Sud dans les chiffres d’émission de l’Annexe 1.
 
On n’a rien sans rien

Alors que la Plan d’action de Bali précise bien que les mesures prises par les pays en développement seront « soutenues et rendues possibles » en y amenant des technologies, du financement et en augmentant leurs capacités, le projet laisse entendre que ces mesures seraient « sujettes à de robustes contrôles, rapports et vérifications ». Cette inversion signifie que les mesures de soutien pourraient être suspendues si la vérification n’était pas approuvée de l’extérieur. Au lieu de mettre les pays industrialisés en demeure de rembourser leur dette climatique, ce libellé met toute mesure de support à la merci de toute une série d’évaluations techniques complexes.

Mais ce qui n’apparaît pas dans le texte est tout aussi significatif. Il n’y à aucun chiffres sur le financement à long terme, et rien n’indique qu’ils ne seront donnés à Copenhague. Le seul chiffre offert est une projection de 10 milliards de dollars par an de « financement initial rapide », version rétrécie d’un plan qui avait été présenté initialement par Gordon Brown à fin novembre. Mais Lumamba Di Aping dément : « 10 milliards de dollars ne seront même pas suffisants pour acheter des cercueils aux citoyens des pays en développement ».

Un marché en expansion

Le revers de ce manque d’engagement financier est de gonfler les marchés du carbone lors de tout nouvel accord. Les propositions de plafonnement et échange qui circulent actuellement aux Etats-Unis permettraient que jusqu’à 1.5 milliards de tonnes de remises de carbone par an déplacent le besoin de réduction des émissions domestiques, une exigence plus de sept fois plus grande que les remises existant actuellement dans le cadre des « Mécanismes de développement propre » et du modèle de « Réalisation collective » des Nations Unies.
 
Bien que le langage des marchés du carbone reste vague, les discussions sur « une transition efficace et ordonnée d’une approche basée sur un projet à une approche plus globale » laissent entrevoir un cadre qui introduirait un large éventail de nouvelles remises, allant des « crédits par secteurs » jusqu’à des mesures visant à la « Réduction des émissions provoquées par la déforestation et la dégradation ».

« Avec des pays développés offrant si peu en matière de financement public, le message envoyé aux pays en développement est que leur seule chance d’avoir accès à des fonds est d’appuyer les mécanismes de remises ».
 
Une coalition de récalcitrants

L’ « Accord de Copenhague » met par-dessus tout en lumière l’absence d’ambition des pays industrialisés en matière de réduction domestique des émissions ou pour remplir leurs obligations vis-à-vis du Sud. La conclusion de Rhiya Trivedi, membre de la délégation des jeunes à Copenhague, est que « malgré la surenchère, les références à Hopenagen , et la volonté politique supposée de « le réaliser », ces négociations pourraient bien ne pas différer des précédentes. Ce pourrait bien être un nouveau round du match entre le Nord et le Sud consistant à diviser pour régner ». En d’autres termes, les affaires continuent.
 
traduction par Andrée Durand, dans le cadre du projet www.m-e-dium.net
Publié par Mouvements, le 11 décembre 2009. http://www.mouvements.info/Proteger-les-riches-le-plan-B-de.html
 
 
 
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